Julien THEVES

À travers les forêts.

Géographie de l’intime

Les forêts sont bien sûr l’inconnu, le continent à traverser, elles symbolisent l’inspiration, la découverte et l’exploration. Elles sont tout ce qu’on porte en soi, emmêlé, opaque, vivant, ce sont nos racines aussi qui parlent en forêt, nos racines ancestrales qui font qu’on vient de là.

Je viens en Lorraine avec l’idée de retrouver peut-être des traces, celles de ma famille.

Je viens me confronter à un pays que je ne connais pas, ou peu. Que j’ai traversé enfant, de Metz à Bouzonville, de Bouzonville à la frontière allemande, et luxembourgeoise.

Je viens écrire sur la Moselle, sur mes souvenirs, je cherche des traces dans les paysages, les noms de lieux, les noms des gens, l’accent des gens. Aujourd’hui, partout, on a de moins en moins d’accent je crois. Mais c’est cette infime façon de prononcer les mots qui me touche : ma grand-mère roulait les R, et elle était d’ici, de part et d’autre de la frontière – un peu comme dans la chanson de Patricia Kaas, D’Allemagne, si belle.

Ma résidence sera nourrie de rencontres, mais aussi de recherches. Recherches aux archives départementales sur les traces de mon arrière-grand-père mort à la mine, recherche intime à la Cité des Douanes de Bouzonville, où vivaient mes grands-parents : en entrant dans le bâtiment où je ne suis jamais retourné, en marchant dans le jardin de la résidence où nous jouions, enfants, mon frère et moi, peut-être ressentirai-je quelque chose ?

Il me semble que ce déplacement, cette résidence en Moselle fonctionne de manière ambulatoire. A travers les rues de Metz, sur les routes de campagne, et dans les chemins forestiers bien sûr.

La forêt m’attire, me fascine.

Forêt de feuillus ou de conifères, bien sûr, mais aussi forêt mentale, enchevêtrement d’idées, chemins potentiels, humus des songes et de la mémoire, ombre protectrice de la conscience.

C’est cette forêt là que j’ai envie de traverser, c’est dans ce pays que je veux vivre. Deux mois. Et s’il n’y a pas de traces, qu’importe ? Ce sera un pays totalement nouveau.

Julien Thèves est né à Strasbourg (1972). Auteur, scénariste et traducteur parisien explorant l’espace urbain et les paysages naturels, son écriture poétique et autobiographique entremêle introspection et description. Il a également réalisé des documentaires sonores pour France Culture et travaille dans la communication et l’édition.

Bibliographie sélective :

Littérature

Les Rues bleues, Paris, Buchet-Chastel, 2020.

Le Pays d’où l’on ne revient jamais, Paris, Christophe Lucquin Éditeur, 2018, (Mon Poche, 2020), prix Marguerite-Duras 2018

Son Histoire, Paris, Balland, 2000

Précarité, Paris, Balland, 1999

Théâtre

Un simple contretemps, texte et mise en voix pour six acteurs (théâtre de l’Échangeur, Bagnolet, 2016) – publié dans la revue Frictions n°25

Le corps silencieux, texte et performance pour quatre acteurs, (la Nef, Pantin, 2014 – reprise au théâtre de l’Échangeur en 2016)

 

Cinéma

Scénariste de Burning Bridges, un film de Christophe Pellet (sélectionné au festival Coté Court de Pantin, 2016)

Coscénariste de Trilogie de nos vies défaites, un film de Vincent Dieutre (produit par le Fresnoy studio national des arts contemporains, avec le soutien de la région Nord-Pas-de-Calais, 2015)

Scénariste d’Exoplanète, un film de Christophe Pellet (sélectionné au festival Coté Court de Pantin, 2014)

 

Documentaires sonores pour France Culture (2016-2019) :

Une vie, une œuvre : Nina Berberova

Sarah Kane, Maurice Sachs, Jean-Luc Lagarce