Simone (25.10.2021)
Je parle depuis longtemps de Simone de Beauvoir aux publics, de sa vie, de son œuvre littéraire, de sa pensée philosophique, de son engagement féministe.
J’étais censée me rendre en France l’année dernière, lors de la publication de mon livre Oh, Simone ! en français. Mais à cause de la pandémie, c’était impossible, et alors je suis restée à Berlin, où j’ai donné des interviews à des médias français en ligne ou par téléphone. J’étais déçue, triste. Je me sentais dupée, privée de cet événement singulier.
Mais plus qu’une année après, je suis finalement en France, avec mon livre, avec Simone.
Et comme en Allemagne, lors de la manifestation à l’Institut-Goethe de Nancy, il y avait tout le monde. Des hommes, des femmes. Des jeunes, des personnes âgées. Ça m’étonne encore : le fait que Simone touche autant de gens. Qu’il y a quelque chose en elle, en sa pensée, ses livres, qui a de l’importance pour nous, aujourd’hui.
C’est l’impression que j’avais aussi du Café Littéraire. Je me suis rendue à la Bibliothèque de Scy-Chazelles samedi dernier pour discuter avec un groupe de lecteurs enthousiastes de la littérature, pour discuter de mon livre et de Simone. Lors de la pause-café, il y avait une dame, plus âgée que moi, qui a partagé cette expérience d’être fortement marquée par Simone de Beauvoir – tout en restant critique envers quelques parties de sa vie ou de sa pensée.
Je pense que c’est possible : avoir un modèle, une idole, quelqu’un qui nous inspire et qui nous amène à nous poser des questions sur notre vie – mais sans l’idéaliser. Sans le mettre sur un piédestal. Sans oublier que chaque être humain commet des fautes, peut avoir des côtés problématiques.
Et quand même. Si je suis aujourd’hui féministe et auteure, c’est grâce à Simone. Elle n’était pas ma seule influence, mais elle a été cependant déterminante.
Je continue de lire l’entretien avec Annie Ernaux (L’écriture comme un couteau) et je trouve un passage dans laquelle elle parle de l’influence du Deuxième Sexe, qu’elle a lu, comme moi, à dix-huit ans :
« Je me souviens de cette expérience de lecture, dans un mois d’avril pluvieux, comme d’une révélation. Tout ce que j’avais vécu les précédentes années dans l’opacité, la souffrance, le mal-être, s’éclaircissent brusquement. De là me vient, je crois, la certitude que la prise de conscience, si elle ne résout rien en elle-même, est le premier pas de la libération, de l’action. »
Cette prise de conscience, comme Annie Ernaux, je la dois à Simone de Beauvoir.