Les balades (01.11.2021)

Ça fait quatre semaines que je suis ici, en Lorraine, à Scy-Chazelles. Quatre semaines pendant lesquelles j’ai pu voir le paysage changer. Lentement, doucement.

La couleur des feuilles, les rouges, jaunes et marrons remplaçant les verts. Les arbres en tenue un peu plus légère. La lumière du soleil qui s’affaiblit. La brume qui, presque tous les matins, enrobe les champs, les prés, les chemins. La Moselle qui s’assombrit.

Ça fait presque quatre semaines que je fais des balades ici, en Lorraine, à Scy-Chazelles. Dans ce paysage changeant.

« Est-ce que tu es dans un film du Seigneur des Anneaux ? », voilà ce qu’une amie m’écrit après avoir partagé une photo de la Moselle sur Instagram.

La Lorraine, ce n’est pas la Terre du Milieu de Tolkien. Mais c’est quand-même un lieu où se trouve un peu de magie, presque partout.

Encore Unica (03.11.2021)

Elle m’échappe, Unica. Je ne sais pas encore comment la saisir.

Je sais que ça prend du temps : connaître une personne, comprendre son caractère, sa vie, son œuvre.

Avec Françoise Sagan, ça m’a pris des mois afin d’avoir une impression définitive de ce personnage. De comprendre que Françoise jouait souvent un rôle, qu’elle portait un masque – le masque de Françoise Sagan, écrivaine fameuse. C’était parfois difficile, trouver la personne derrière le masque, la personne derrière les clichés et les préjugés créés par la presse et le public.

Unica, elle ne portait pas de masque. Et quand même, elle se cachait. Un peu, au moins. 

Pour le moment, je rassemble les dates de vie d’Unica – en espérant qu’elles puissent me donner des indices sur la personne, la femme qui était Unica Zürn. Ce sont des petites choses : le fait qu’Unica a elle-même initié son divorce avec son mari, avec lequel elle avait deux enfants. A la fin des années 1940, en Allemagne, c’était courageux : être une femme, une mère divorcée, sans revenu propre, c’était mal vu par la société. Ça montre que pour Unica, il était plus difficile de rester mariée à un mari infidèle, que d’être célibataire dans une société qui valorisait le rôle de la femme comme épouse et mère.

Unica.

Elle m’échappe encore, mais je fais des progrès. Lentement, peu à peu. 

Les anagrammes (08.11.2021)

Unica Zürn, elle écrivait des anagrammes. Des poèmes anagrammes. Elle choisissait une phrase initiale – un vers d’un poème, un proverbe, une observation de la vie quotidienne – et, en prenant les lettres de cette phrase, elle en faisait des nouveaux mots, des nouvelles phrases.
Mais un poème anagramme, c’est plus que cela. Il y a là-dedans quelque chose d’autre, un sens qui dépasse le simple arrangement des lettres, des mots. Quelque chose de mystérieux. Unica le savait. Elle cherchait ce nouveau sens. Écrire des anagrammes, pour elle, c’était une obsession.
Pour les étudiants de l’Université de Lorraine, c’était un défi. Quelque chose de très difficile, parfois impossible. Pendant l’atelier d’écriture à la Maison de Robert Schuman, ils ont soupiré. Ils ont plissé le front. Ils m’ont dit que c’était trop difficile, non, mais vraiment.

C’est vrai, c’est difficile.

Mais c’est aussi un jeu, un défi. Pour moi, il est parfois plus facile d’écrire quand il y a des contraintes, des règles claires, strictes. Quand je ne suis pas seule avec la page blanche, quand il y a un cadre dans lequel on peut opérer.

Parfois la créativité a besoin d’être mise au défi.