Virginia Woolf (15.11.2021)

Une chambre à soi, cela peut être un lieu.
Quelque chose de concret. Une place où on se sent chez soi, à l’abri.
Une chambre à soi, cela peut être une idée.
Quelque chose d’abstrait. L’expression d’un sentiment, d’un besoin.

Une chambre à soi, cela peut être un lieu. Quelque chose de concret. Une place où on se sent chez soi, à l’abri.
Une chambre à soi, cela peut être une idée. Quelque chose d’abstrait. L’expression d’un sentiment, d’un besoin.
L’expression vient de Virginia Woolf, de son essai publié en 1929. Virginia Woolf considère la place des écrivaines dans l’histoire de la littérature et elle analyse les facteurs qui ont perturbé l’accès des femmes à l’éducation et à la production littéraire. Pour être capable d’écrire, d’être créative, selon la thèse de Woolf, une femme doit au moins disposer « de quelque argent et d’une chambre à soi ».
Selon elle, cette « chambre à soi » est donc une condition concrète et nécessaire de la puissance créatrice féminine, mais aussi l’expression d’une certaine liberté.
Une chambre à soi peut être tant de choses différentes. C’est quelque chose de très personnel, de très intime.
Et c’est quelque chose qui ne concerne que des femmes.
Dans l’atelier d’écriture transgénérationnel de la semaine dernière avec les étudiants et les seniors, j’ai invité les participants à réfléchir à ce que cela signifie pour eux : une chambre à soi. C’est un exercice qui permet une grande liberté de réflexion. Qui permet de se poser des questions personnelles.

 

On a besoin d’une chambre à soi pour respirer, pour penser, pour être seul. Pour être chez soi – au sens propre du terme.

Ici repose Unica (17.11.2021)

Le ciel parisien est gris et pendant la nuit, il y avait de la pluie. Les feuilles sur les chemins du cimetière Père-Lachaise, les feuilles d’automne, rouges, jaunes et marron, sont encore mouillées.
J’entre par une petite porte dans le mur, par un escalier. Sur mon portable, j’ai un plan du Père-Lachaise, pourtant j’ai des doutes sur l’itinéraire. A quelques mètres de moi se trouve un vrai plan, un plan énorme.
Jim Morrison est enterré ici, Édith Piaf, Guillaume Apollinaire, Oscar Wilde, Marcel Proust, Simone Signoret. Pour n’en citer que quelques-uns. Sur le site web de la ville de Paris on peut télécharger des plans, soit avec les tombes des personnalités les plus demandées, soit avec les tombes des femmes célèbres, ou – après tout, on est en France ! – avec des personnalités liées à la gastronomie.
La personne que je cherche, elle ne se trouve sur aucun des plans. Ni en ligne, ni hors ligne.
Après avoir jeté un œil sur le plan à côté de l’entrée, je pense savoir où il me faut aller. Pendant un quart d’heure, je me promène entre les tombes, de plus en plus découragée : Comment trouver la tombe que je cherche ? De temps en temps je m’arrête et réfléchis, suis-je déjà passée parmi ces tombes ? Je n’ai pas l’impression d’être au bon endroit. Alors je retourne à l’entrée, au grand plan, et je me rends compte que je ne me retrouve pas où je pensai être. Et c’est reparti.
Cinq minutes plus tard, j’arrive à la 9ème division, une partie plutôt petite du cimetière, pas loin de l’entrée principale. Encore une fois je me promène entre les tombes. Quand je détecte enfin la tombe, c’est une surprise. La photo sur internet avait montré une pierre tombale sombre et simple – la tombe devant moi me semble étonnamment gaie, haute en couleur, avec plusieurs bacs à fleurs.

Voilà, elle repose ici.
Unica. Unica Zürn.

Sur la pierre tombale, des noms dorés sont gravés :

BELLMER – ZÜRN

Au flanc, il se trouve une autre gravure :

Unica 1916 – 1970
Hans BELLMER 1902 – 1975

Je me demande pourquoi on a enlevé le nom de famille d’Unica. Écrit comme cela, son nom me semble intime, vulnérable. Je me penche en avant, pour pouvoir regarder la plaque entre les bacs à fleurs. La pierre tombale est mouillée, ce qui alourdit ma tentative de lire l’inscription. Avec un mouchoir je sèche la plaque. Je lis :

Mon amour te suivra dans l’Éternité

Hans à Unica

Mon amour te suivra dans l’Éternité – c’est ce que Hans Bellmer a écrit à Unica Zürn.
Pour un moment, je me tiens immobile. Je ne bouge pas. Je reste là, devant la tombe. Curieusement émue. J’ai l’impression d’avoir trouvé un petit bijou. Qu’on m’a donné un cadeau.

Écrire en français (22.11.2021)

Écrire en français reste un défi pour moi. Même si je le fais depuis plusieurs semaines. Certains jours, écrire en français est simple et facile, les mots viennent aisément, sans difficulté. D’autres jours, j’ai l’impression que la langue française, ses mots et ses expressions, m’échappe, qu’elle est si lointaine.
Mais je continue d’écrire. J’écris des mots, des mots. Des mots français.
La semaine dernière, lors de la soirée « Vers et verres », pour la première fois, j’ai lu mes petits textes en français. Les mots français que j’ai écrit pendant mon temps ici, à Scy-Chazelles.
J’étais un peu gênée. J’aurais voulu lire des textes plus beaux, plus raffinés, plus littéraires. Des textes que j’aurai retravaillé et retravaillé.
Au lieu de cela, j’ai lu mes petits textes. Mes textes qui parlent de Scy-Chazelles, de la Moselle, de mon travail. Du héron.

Des petites vignettes, des réflexions.
Au début, j’étais un peu gênée, oui. Mais après la lecture de mon premier texte, quand Jacques, le pianiste, s’est mis à improviser, la gêne a été remplacée par la joie. Par l’euphorie.
L’audience était bienveillante, avec mes petits textes en français, mais aussi avec ceux de Charline, Lorella et Paul-Matthias, les trois étudiants de Carole qui ont sacrifié leur jeudi soir, pour présenter des anagrammes qu’ils avaient écrits pendant un de mes ateliers d’écriture. Ils ont lu, ils ont chanté et joué sur le piano de Robert. Que c’était beau, que c’était émouvant, stimulant !
Cette soirée, je la garderai en mémoire comme quelque chose de brillant, de scintillant. La musique, les gens, le vin.
Mais surtout les mots, les mots. Les miens – et ceux des autres.

Les adieux (27.11.2021)

Mes deux mois à Scy-Chazelles touchent à leur fin. Mes deux mois dans cette petite ville charmante, dans cet appartement grand et lumineux. Il est temps de retourner à Berlin, à mon petit appartement à Schöneberg, à ma fidèle table qui m’attend.

Avant de quitter Scy-Chazelles, j’essaie de profiter, de profiter de tout. Des vieilles et étroites rues de Scy-haut, de la vigne, de la Moselle.

Il y a deux mois, je faisais des choses pour la première fois : me balader aux bords de la Moselle, faire les courses au supermarché, rouler à vélo électrique, passer par la Maison de Robert Schuman ou la bibliothèque, prendre le bus pour Metz, voir les chats de Tatiana et Alex – les propriétaires du gîte – passer par la fenêtre, m’installer à la table dans la salle de séjour pour écrire. Maintenant, je fais toutes ces choses pour la dernière fois.

Ces derniers jours à Scy-Chazelles, je me sens tendre, un peu mélancolique.
Quelque chose est en train de se terminer, quelque chose de beau.

Je pense à ce temps ici, en Lorraine, comme d’une période de ma vie que je garderai toujours en mémoire, au cœur.
Devant moi, il y a des jours, des semaines, des mois sombres à Berlin.
En Allemagne, les chiffres du Covid flambent, la situation est grave.
De nouveau, encore une fois.
Mais ces deux mois à Scy-Chazelles sont acquis.
On ne peut plus me les reprendre.
Quoi qu’il arrive.

Ces deux mois à Scy-Chazelles, ils sont à moi