Journal / 1 / le 3 octobre 2022 

J’habite donc à présent un gîte rural situé en ville /
un instant je suis au Brésil, pays-forêt qui, ce matin, chancelle au -dessus du vide / une sente, à deux pas, grimpe dans le brouillard /
elle croise des rues, des chemins, des allées que j’imagine cavalières /
je suis tout à coup dans une campagne de vignes, de noix, de coings, de physalis, de pommes/
j’entre en résidence : je déjeune désormais seul, en tête à tête avec mon écriture / une langue précolombienne se réservait, m’apprend un vieil entretien de Paul Veyne, un temps grammatical spécifique pour évoquer l’époque où les dieux vivaient sur terre et où les animaux avaient la parole/
je ne me souviens plus : suis-je ici pour évoquer ce temps ou pour revenir à cette langue /
en attendant une réponse, je lis le carnet de résidence de mon premier prédécesseur : Jacques Jouet /
il m’offre l’adjectif nareux (« entre bégueule et dégoutée / chochotte et rosière ») adressé dans son texte à Florence Fuchs, que je salue ici à mon tour / je ne résiste pas à citer, réciter, re-susciter le début de son poème, # 11, début que j’aurais aimé écrire ou recevoir par la poste : « un poème doit jouir d’accueillir chaque mot / de sa langue toujours extensible »/
je partage avec Jouet l’assignation à rédiger un poème par jour et avec Cossery celle de m’en tenir à une phrase /
à peine une phrase d’ailleurs, une phase plutôt, mais suffisant à ma peine  /

« 560 ~ à peine émue à peine déçue à peine perdue la joue sur son sparassis » sera celui, celle, d’aujourd’hui /
nareux-euse vient rejoindre paperolle (proustienne) glissé hier par Madeleine, sparassis (crépu) acheté au marché et ithyphalle trouvé sous la plume de Yann Diener /
ce dernier me ramenant enfin à mon objet, bacchique, de résidence.