Journal /6 / 10 octobre 2022
j’habite un atelier / cartographique / ; car pour moi écrire ou / préparer l’écriture / c’est très souvent dessiner / griffonner des schémas, bidouiller des graphiques, / constituer des topographies, des trajets, / donner contour à l’arpentage / Devenir noir, mon / précédent livre, m’avait conduit à trianguler en / Atlantique, me voilà oscillant entre Mers noire et Méditerranée dans / le sillage des argonautes / ; souhaitant aussi continuer la conversation avec mes / prédécesseurs (en l’atelier) je lis / Frontaliers de Jean Portante / la cartographie maritime a ceci de singulier qu’elle manifeste l’/ invisible : reliefs, épaves et, / rappelle Portante, cadavres / hommes, femmes et enfants nos / semblables / cadavres des africains déportés au fond de l’ / Atlantique, cadavres MAINTENANT des africains, syriens, afghans… ( selon le HCR Entre 2014 et 2021, plus de 24.400 personnes ont perdu la vie ou ont été portées disparues / en tentant de traverser la / Méditerranée ) / continuité acérée de l’Histoire / Portante citant Erri de Luca en exergue de son texte : « / Notre mer qui n’est pas au cieux / à l’aube tu es couleur de blé / au crépuscule du raisin des vendanges / nous t’avons semée de noyés plus que/ n’importe quel âge des tempêtes » / mèches noyées, mèches soufflées, mèches tondues : partout / on brûle : « 567 : l’ignition pandermique qu’on appellera l’été » / et je sais pourquoi maintenant la tête / coupée et la lyre orpheline / ont dérivé jusqu’à Lesbos.