Devant le portail

Dans années 70, le portail du lycée était toujours ouvert.

A l’accueil, un ou une pionne levait parfois les yeux de son livre (de nos jours ce serait un portable) pour surveiller les allées et venues des élèves.
Le mercredi les internes déposaient dans une boite leur carte de sortie, j’en étais.
Être interne m’a permis d’échapper au déterminisme de mes origines sociales.
Je me voulais ailleurs, dans une ville dite grande, avec une destinée digne d’un roman.
J’écrivais des poèmes dans un carnet jaune que je possède encore.
Au lycée j’aurais appris la militance, la poésie, la nécessité de l’amitié et la puissance de mon désir de partir, ce que je ferai d’ailleurs en terminal.
J’aurais appris aussi les bases de la gestion et du commerce, ce qui me servira plus tard, bien plus que je ne l’imaginais à l’époque.
De cette période j’ai laissé des traces dans mes livres.
Aujourd’hui le portail est clos : il faut sonner, décliner son identité à l’interphone, signer le registre des entrées et, je suppose, demander une autorisation préalable.
Depuis les années 70, il  y a eu de terribles attentats en France et dans le monde.
il y a eu la mise en place du plan Vigipirate.
Il y a eu un durcissement de la surveillance policière.
Il y a eu l’épidémie de la Covid et l’incroyable du confinement.
Il y a eu le pass sanitaire.
Et il y a la peur.
Sur les pelouses du Lycée Robert Schuman nous inventions un futur plus égalitaire, plus humaniste, plus joyeux. Sur mon sac en toile sac acheté au surplus américain, était dessiné le sigle Peace and love.
Le sac a fini à la poubelle.
J’ai vieilli.
Le monde a rétréci.
L’entrée du lycée est sous la surveillance d’une caméra.