Faire le mur / faire le mort

Je fais un saut à Paris. C’est l’étrange de quitter un temps. De retrouver sa ville, sa vie. 

J’ai pris le bus. Un Flixbux. J’ai écrit, dedans, un texte à la troisième personne. 

Elle s’est déplacée pour rejoindre la place tout devant, à l’étage supérieur, d’où voir entièrement la route, dans cette pleine vitre et cette même vision que le chauffeur mais, elle, d’un peu plus haut, et sans la responsabilité d’un volant – et des quelques 15 personnes qu’ils sont ce dimanche sur l’autoroute, dans un car fluo à deux étages, à traverser de ville à ville un ciel flou et une aube tardive, le soleil ne grimpe pas sa place, que des avalanches sans fracas de brume, dont n’émergent les voitures en face, dans l’autre sens, que quand vraiment proches, et sans la barre de séparation il faudrait craindre deux cécités qui se rencontrent au milieu du brouillard. Les voitures en face, dans l’autre sens. Le chauffeur dessous. C’est l’automne pas trop froid. Elle a oublié qu’il y aura l’hiver. Si elle pense aux saisons, elle pense au printemps.

Et ce texte en je. 

Saut par Paris. Suis passée, manière de lien, dans la rue Cité Veron, voir l’ancien Théâtre Ouvert. Bernard-Marie Koltès le messin natal a dû venir ici. Aujourd’hui des pavés, des autocollants « ne pas accrocher vos vélos aux plantes », encore le T de théâtre. Le boulevard Clichy qui dévale, entre sexe et crêpes, et les places prévues pour les véhicules devant les boîtes et cabarets « dépose de nuit ». Une fille est passée qui m’a souri. Elle vient sans doute voir elle aussi un vestige. On ne vient pas dans une impasse par hasard. 

Et je suis allée, à deux pas du Théâtre Ouvert fermé, au cimetière Montmartre, regarder sa tombe. D’abord je ne la trouvais pas, je cherchais chemin Saint-Eloy. Il y avait un chat noir. Peut-être deux chats noirs mais le même. Je savais que le chat ne me la montrerait pas. Je savais que ça n’était pas un signe. Quand même je suis restée. Le chat, ou l’un des deux (les deux étaient noirs mais l’un plus petit que l’autre), grimpait au-dessus des tombes. Il avait un collier. C’était un chat d’appartement et le cimetière son jardin. Il était beau, en haut des tombes, narguant d’échine nos temps comptés, nos fleurs et nos dévotions. J’ai finalement trouvé la tombe. Elle était près du mur d’enceinte, juste derrière. Une tombe blanche. Près d’un mur j’ai pensé c’est bien. Pouvoir s’échapper. Voyager encore.