Milène Tournier

Une liberté. Dans le temps, dans l’espace.

“Une liberté. Dans le temps, dans l’espace. Cela surtout qui m’arrive, me revient, quand j’envoie mon cerveau penser à Scy Chazelles et que ce que je ressens c’est l’automne presque printanier, de revenir par les ponts et longer la route entre Metz et Scy bas, et savoir qu’il y a le long bain de deux mois, et qu’alors tout presse moins, que j’ai même le luxe d’avoir des habitudes, et celui de voir arriver les saisons. J’ai vu l’hiver venir, en novembre, délicatement installer ses chausses des traditions, les cahutes des marchés de Noël rejoindre les places, les illuminations installer leur squelette par dessus les enseignes et les rues. Une solitude aussi. Je n’ai invité personne, d’une autre vie civile, à me rejoindre sur le temps, voulu un brin monacal, de résidence, dans la grande maison qui aurait pourtant pu. Solitude choisie avec d’autant plus de tranquillité qu’elle etait pointillée des rencontres joyeuses avec Carole, Madeleine, Estelle, Jean-Loup… J’écris ces quelques lignes depuis le lac de Grand Lieu. Une residence d’écriture, une seconde, en deux temps: fevrier puis avril. Le lac grandit six fois en hiver. Je marche avril sur des sentiers qui en février étaient invisibles et noyés. Notre mémoire, sa pangée fracturée. Tout ce qu’on crée pour que ce soit repris, et dont ne restera, douce furieuse, qu’une trace. Une trace, ce sentier d’absence que nos doigts font quand d’une phalange ils poussent poussière, sable ou neige pour, pleins d’orgueil et naïveté, écrire un coeur”.